L'Histoire du Château Hôtel Colombier

à Saint Malo

Le Colombier, ou Coulombier, comme on écrivait anciennement, est un beau château, en Paramé, construit au commencement du XVIIIe siècle, les remaniements opérés au cours du XIXe, en ont assez sensiblement modifié l’aspect. La maison principale et la basse-cour relevaient du Plessix –Bertrand,  les terres,  de différentes seigneuries : des régaires de l’Evêché et du Chapitre de Saint Malo, de la Gouesnière,  par le baillage de Verrie,  de la Grande-Rivière, par celui de l’Isle Arnoux. Ce fait, comme je l’ai fait remarquer pour la Chipaudière, est la conséquence de la création, relativement moderne, du domaine constitué par la réunion dans une même enceinte de murs, de diverses pièces de terre. Ce fut l’œuvre de Pierre Gris, sieur du Coulombier, de 1711 à 1717.

Le long du petit chemin de Mausifrotte, conduisant de la Motte-Boixel au Vausalmon, à la hauteur de la pointe septentrionale de la Chipaudière, existait jadis un petit village appelé la Plate-Roche ; il comprenait quelques maisons de peu d’importance, des jardins et des terres. Pierre Gris, sieur du Coulombier en acheta la plus grande partie ; M. Magon de la Lande, qui a la même époque construisait la Chipaudière, acheta le reste ; chacun engloba son acquisition dans son enclos, et la Plate – Roche disparut.

Qu’était le Colombier avant ces travaux ? On l’ignore, mais il était déjà dans la famille Gris depuis une soixantaine d’années, puisque  Marie Gris, née en 1653, était qualifiée demoiselle du Colombier.

 

 

 

Différents personnages étaient sieurs du Colombier au commencement du XVIIIe siècle et avant, mais de quel Colombier ? A Paramé existaient en 1701, Jean Le Bon, sieur du Colombier ; en 1712, le sieur du Colombier Launay. A Saint-Malo, les Eberard étaient sieurs du Colombier dès le XVIIe siècle ; je pensais d’abord pouvoir rattacher à ceux-ci le domaine qui nous occupe, mais j’ai changé d’avis en constatant que dans le partage effectué le 18 mars 1648 (1) des successions  du sieur Jean Eberard. Sieur du Colombier, et de Jeanne Frotet sa femme, entre leurs deux enfants, écuyer Nicolas Ebarard, sieur du Coulombier et Josseline Ebarard, épouse de Nicolas Alleaume ; le Colombier ne figurait pas parmi leurs immeubles minutieusement décrits. Par contre, parmi ceux-ci est citée « la maison appelée du Coulombier situé en la rue de la Vielle blasterye » (partie de la rue Porcon de la Barbinais et de la rue de la Vieille Boucherie). Au-dessus d’une cuisine, donnant sur une cour intérieur  « est le Coulombier et retraite à pigeons despendans de ladicte maison et coulombier avec ses commodités et appartenances et droict mesme prohibitif pour la conservation dudict coulombier aux fins de contrac et acord du 22e de juillet 1480… »

De tout ceci, je suis porté à croire que les Ebernard, sieurs du Coulombier, tiraient leur nom de cette  antique demeure à allure féodale et non point du Colombier actuel. Si je suis rentré dans ces détails, c’est aussi bien pour tâcher de lever le doute que fait naître tout naturellement cette similitude d’appellation, que pour rappeler le souvenir de cette maison originale du vieux Saint-Malo.

    1-    Arch. part. du général de Giclais.

 

 

 

Quoiqu’il en soit, de l’examen des actes(2) il ressort d’une façon indubitable que Pierre Gris es bien le fondateur du domaine tel qu’il est encore constitué : je citerai entre autres, à l’appui de cette assertion, un contrat d’échange par lui.

Le 27 avril 1717 «  des terres enceintes dans ledit lieu anciennement appelé la Plate- Roche et présentement le Coulombier » dans lequel il est fait allusion plus loin « aux mûr que ledit sieur du Coulombier a fait édifier son château. 

Le 22 juillet 1725 ; il obtint du Général de la paroisse de Paramé la concession d’un banc pour lui et ses Pierre Gris(3) d’après l’abbé Paris Jallobert, appartenait à une famille originaire de Gascogne, établie à Saint-Malo au commencement du XVIIe siècle ; il était né le 12 février 1665 et avait épousé en 1703 Jeanne-Françoise Séré ; il était qualifié sieur du Coulombier. Il fut Conseiller Secrétaire du Roi et conserva cette charge jusqu’en 1720.

 

Dans un contrat du 8 frimaire an VI, se trouve une description complète du château et du parc, encore dans l’état où Pierre Gris les avait laissés ; il me semble intéressant de la reproduire ici, ce qui permettra de mieux apprécier son œuvre : «  Le Manoir du Colombier, en Paramé , consistant en une maison principale aspectée au soleil de dix heures, composée, au rez-de-chaussée, d’une cuisine, d’un vestibule dans lequel il y a un escalier à rampe de bois, les marches remplies de carreaux de marbre, joignant ledit escalier une salle-à-manger dont la cheminée et le côté qui lui fait face, sont revêtus en marbre de placage, avec deux coquilles de ce dernier côté servant de bassin de fontaine soutenus sur deux consoles de même matière, le surplus lambrissé en chêne et pavé de carreaux de pierres blanches et de marbre, d’un salon de compagnie pavé de carreaux et de marbres, lambrissé en chêne ;d’une chambre à coucher et d’un cabinet au bout midi.

 

 

 

« Au 1er étage, d’un corridor de long en long , du côté de la cour, aboutissant aux deux terrasses ci-après ; deux chambres une grande pièce au milieu, ayant une cheminée à chaque bout , laquelle formait autrefois plusieurs appartements au-dessus de la Salle et du Salon et qui ont été détruits lorsque la maison a servi d’hôpital ( c’était pendant la Révolution ) ; autre grande chambre au midi ; les lambris ont été arrachés ou détruits ; grenier au-dessus, le tout couvert d’ardoises.
« Deux pavillons en terrasse aux deux bouts et communiquant au corps principal ; ces terrasses pavées en pierre plates et leurs deux angles du côté du jardin surmontés d’un petit pavillon de quatre pieds carrés.

    1-    Archives particulières de Mlle de Cargouet de Rauléon qui a bien voulu me confier les anciens titres de cette propriété et y a joint des renseignements très circonstanciés qui m’ont été précieux pour la rédaction de cette notice ; je lui adresse ici mes remerciements.

    2-    Gris ; d’azur au lion d’or, accomp. En chef de 2 étoiles d’argent.

« Cours Principale au nord-ouest, entourée de murs d’appui, ayant une porte cochère sur un chemin qui conduit à Paramé ; au nord-est de cette cour, les bâtiments de basse-cour et servitude.
« Jardin fruitier au sud-ouest de la cour principale clos de murs, ayant dans son angle occidental une ci-devant chapelle dont l’intérieur est entièrement dépouillé, un pavillon octogone dans l’angle méridionale du même fruitier et au dehors d’icelui, couvert d’ardoises en impérial. (C’est l’ancien colombier).
« Jardin et parterre au-devant de la maison principale, vers le sud-est descendant jusqu’au bord de l’étang ; autres jardins, l’un au sud-ouest du parterre, s’élevant en terrasse, l’autre au nord-est de plain-pied et deux autres potagers entre iceux et l’étang.
« Etang au-dessous vers le sud-ouest desdits jardins, revêtu de murs tout autour, avec une chaussée au sud-ouest et, à l’autre bout, une quantité de terre en culture où est un bosquet au milieu duquel sont encore les restes d’un canal et d’un bassin revêtu en marbre qui servait autrefois de bains »

 

 

Suit l’énumération des terres ; l’ensemble de l’enclos représente 47 journaux environ.

Cette description peut encore s’appliquer à la propriété actuelle, sauf les modifications au château qui seront indiquées plus loin. Un certain nombre de statues et de bustes en marbres décoraient les jardins et les bords de l’étang : il est intéressant de savoir que ces marbres venaient d’Italie et avaient été apportés par le navire le Saint-Jacques, l’autel des Bénédictins de Saint Malo, de même provenance avait été donné par M .Gris.

Pierre Gris, sieur du Coulombier, mourut dans son château le 2 février 1747, âgé de 82 ans ; il avait perdu sa femme dix ans avant.
Ils avaient eu deux filles , qui n’existaient plus alors ; la 2e Marie-Hélène, née en 1706, avait été mariée le 12 septembre 1724, dans la chapelle de la Godelle, à écuyer Alani le Breton, sieur de la Plussinais ; de leurs trois enfants, Marie-Jeanne le Breton, née en 1726, mariée  le 8 février 1746, à écuyer Julien- Pierre Eon (4), sieur de Carman, hérita du Colombier à la mort de son grand-père ;cinq de ses enfants, sur dix , y naquirent.

En 1750, ils firent l’acquisition du clos du Tertre aux Buzarts (4 journaux) et en 1761 celle du Tertre Ouin ou Tertre Gervais, qui touchaient à leur propriété.
En 1754, ils firent construire la chapelle du Colombier et en assurèrent le service par une fondation comme on le verra ci-après.

    1-    Eon : argent au lion de sable

 

 

La tourmente révolutionnaire s’abattit lourdement sur le Colombier, Julien-Pierre Eon de Carman était mort le 24 mars 1763 : sa veuve Marie-Jeanne le Breton incarcérée à Saint Malo le 1er pluviose an II ( 20 janvier 1794 ) est encore citée comme détenue dans la maison d’arrêt des femmes, le 16 avril ; le 14 prairial an II ( 2 juin 1794 ) elle partait pour Paris, avec 32 autres victimes, dont 29 montèrent sur l’échafaud révolutionnaire, le 2 Messidor an II ( 20 juin 1794 ) ; «  conformément à la loi, les biens des condamné sont acquis à la République ».

Devenue propriété nationale, le Colombier fut transformé en hôpital sans doute pour les troupes campées sous Paramé ; nous avons vu dans quelques documents cités précédemment ce qu’il lui en advint ; les cloisons intérieures abattues pour faire de grandes salles, les lambris arrachés et brûlés, la chapelle pillée à plusieurs reprises, le parc dévasté, les statues brisées (5) ; enfin, au réquisitoire du citoyen Duparquier, administrateur du district de Port-Malo, le mobilier fut vendu à l’encan, le 15 thermidor an II( 2 août 1794).

Si cette transformation en hôpital fut fatale à la partie décorative du domaine, elle eut un avantage au point de vue de la conservation du fonds, car il ne fut pas aliéné comme bien national et quand arrivèrent des jours meilleurs, les héritières de Madame Eon de Carman  purent en revendiquer la propriété, dans laquelle elles rentrèrent.

Le 8 frimaire an VI ( 28 novembre 1797 ) le partage de la succession eut lieu entres ses cinq filles : Françoise-Thérèse Eon de Carman, veuve d’abord de Malo-Jean le Breton, puis du vicomte de Blottefière et alors épouse d’Eloi Constans du Bos, quelque peu plus jeune qu’elle ; deux filles religieuses et une autre émigrée ; enfin Julienne-Modeste-Jeanne Eon de Carman, née en 1753, qui avait épousé en 1789 de haut et puissant seigneur Jean du Pouget(6), Lieutenant a régiment de Forest ( infanterie ) en garnison à Saint-Servan. C’est elle qui reçut le Colombier en partage. Ils y fixèrent leur résidence, Mme du Pouget y mourut en 1820.

Leur fille unique Julie du Pouget, épouse depuis 1814 de son cousin Louis du Pouget de Nadaillac, devint alors propriétaire du domaine.
Après son décès survenu le 23 décembre 1863, il revint à sa fille resté unique. Léocadie du Pouget de Nadaillac, mariée le 23 janvier 1844, au comte Paul de Cargouët de Ranléon (7). 

    1-    Trente-deux de ces statues furent retrouvées plus ou moins mutilées ;M.de Cargouët en conserva quatre pour les placer dans les niches qu’il avait pratiquées dans la façade nord du château ;les autres furent vendues en 1882 à M. Bazin de Jessey et sont aujourd’hui au château du Montmarin.
    2-    Du Pouget : d’or au chevron d’azur accompagné en pointe de six tourteaux de sinople.
    3-    De Cargouët : d’argent à 3 fleurs de lys de gueules.

 

 

Ils firent de grands travaux au château et y apportèrent des changements importants. On a vu que la construction primitive se terminait aux ailes par deux terrasses à l’italienne : elles furent supprimées ; tout l’étage fut surélevé pour donner plus de hauteurs aux appartements du second et de nouvelles toitures recouvrirent le tout ; le crépi des murs fut teinté en rouge ; enfin les divisions de la cour d’entrée furent supprimées et on en forma une seule pelouse.

En 1881, lors de la donation en partage à ses enfants, faite par la comtesse de Cargouët, le Colombier fut attribué à son fils, le comte Georges de Cargouët de Ranléon, qui le vendit, en octobre 1886, à Mme Quemper de Lanascol (8) ; elle-même le laissa vers 1892 à M.Quemper de Lanascol. Celui-ci le vendit par la suite à Madame Quantin et finalement, il fut acheté, vers 1900, par le Vicomte Alphonse de Saint-Meleuc (9).

Il fut acheté en 1992  par la famille Lemarié.
Racheté en 2007 et transformé en hôtel depuis 2008.

    1-    Quemper de Lanascol : d’argent au léopard de sable accompagné en chef de 3 coquilles rangées de même.
    2-    De Saint-Meleuc : de gueules à 10 rose d’or 4 3.2.2.1.

 

 

CHAPELLE

La chapelle du Colombier s’élève à l’ouest et près du château ; au-dessus du portail se voient deux écussons accolés : Eon, d’argent, accompagnées de 2 étoiles en chef et d’un croissant de même en pointe. Ce sont celles des fondateurs. Le fronton est daté de 1754. C’est l’année où elle fut construite par Julien-Pierre Eon, sieur de Carman et Marie Jeanne le Breton, sa femme ; le 15 juillet 1751, ils avaient été autorisés par Mr de la Bastie, alors évêque de Saint-Malo, à y transporter la fondation de 66# de rente attribuée à celle de la Hurpie, leur appartenant également, devenue caduque et à peu près inutile en raison de la proximité de la chapelle de Clermont ; ils y ajoutèrent, le 26 août 1755, une nouvelle fondation qui la porta à 120#, destinée à assurer le service de trois messes par semaine ( 1 ). Elle fut bénite, le 7 novembre 1755, par Guillaume de la Haye, chanoine de Saint-Malo, érigée sous l’invocation de la Sainte- Vierge et dénommée Notre-Dame du Colombier. Son unique chapelain fut Jean de la Hayen chanoine de Coutances, pourvu en 1756.

Pendant la Révolution, cette chapelle fut complétement saccagé, notamment le 14 mars 1794, pendant la Restauration, elle avait été remise en état, puis abandonnée de nouveau. Mme Quemper l’avait fait restaurer et y avait fait placer l’autel actuel qui était celui de Saint –Joseph, dans l’ancienne église de Paramé.

Le Vicomte et la Vicomtesse de Saint-Meleuc l’ont remeublée et pourvue de tout ce qui est nécessaire à l’exercice du culte.

    1-    Chanoine Guillotin de Corson,Pouillé de Rennes. Abbé Manet, Grandes Recherches.

 

 

LE COLOMBIER

La terre du Grand Colombier (ou Coulombier) relevait de la seigneurie du Plessis-Bertrand en Saint-Coulomb, où il y avait un manoir appartenant à Pierre Gris. Construit en l’emplacement de ce manoir par les Eon de Carman en 1747, le château du Colombier comprenait un corps de bâtiment flanqué de deux pavillons en terrasses pavées de pierres plates, surmontés chacun d’un autre pavillon. Dans un enclos de quinze hectares (aujourd’hui six hectares), on trouvait une porte cochère, une chapelle, un ancien colombier octogonal avec un toit en dôme, un étang et un bassin en marbre qui servait autrefois de baignoire. De nombreuses statues en marbre d’Italie ornaient les jardins et les bosquets ; trente-deux d’entre elles ont été retrouvées dont quatre sont conservées dans des niches pratiquées sur la façade du château. L’intérieur est richement décoré. On remarque un très bel escalier en bois sculpté, des boiseries finement travaillées, le « salon de quatre éléments » sur les murs duquel montent d’énormes bibliothèques et une cheminée en marbre blanc.

    Une restauration  effectuée dans la deuxième partie du 19e siècle a profondément modifié le caractère des bâtiments. Les deux pavillons primitifs ont été remplacés par des ailes reliées au corps par des tourelles. Un enduit couleur brique donne à l’ensemble une physionomie Louis XIII dans un style étranger qui pourrait être italien.

    Vestige des premiers édifices, accolés au mur d’enceinte, la chapelle désaffectée présente une abside à pans coupés. La porte est surmontée d’un fronton (daté de 1754) chargé des écussons accolés de Julien-Pierre Eon, seigneur de Carma, et de Marie-Jeanne Le Breton, sa femme.

    Devenu propriété nationale et après avoir servi d’hôpital pendant la Révolution, le Colombier fut récupéré par ses propriétaires. Entre-temps, le pigeonnier qui avait donné son nom au château était tombé en ruines. Le château appartint, à partir de 1797 aux familles du Pouget, le Breton, de Cargouët, de Lanascol , et fut acheté en 1992 à M de Saint-Meleuc par la famille Lemarié. Elle abrite les activités de l’association « Le Point du Jour » qui a pour but de « soutenir la grande famille (vingt-cinq enfants) dans son action au service de l’enfance et d’en assurer la continuité en cas de disparition »

 

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